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Aide au séjour irrégulier (Code des visas UE) : L’interprétation stricte de la loi pénale sacrifiée sur l’autel de l’efficacité de la lutte contre l’immigration illégale

miércoles, 6 de junio de 2012

La Revue des Droits de l’Homme publie un  article de Benjamin Francos sur l’immigration illégale. Voici le contenu de cet article: «Alors que la politique migratoire communautaire était récemment au cœur d’un débat relatif à une éventuelle réforme des accords de Schengen, la Cour de Justice de l’Union européenne s’est prononcée le 10 avril 2012 sur une question dont la récurrence traduit l’importance à la fois juridique et politique : l’aide au séjour irrégulier.

La Revista de Derechos Humanos publica un artículo de Benjamin Franco sobre la inmigración ilegal. A continuación, referimos el contenido de este artículo: «Mientras que la política comunitaria de migración ha estado recientemente en el corazón de un debate sobre la posible reforma de los acuerdos de Schengen, el Tribunal de Justicia de la Unión Europea se ha pronunciado sobre 10 de abril 2012 sobre una cuestión cuya recurrencia refleja la importancia tanto jurídica como política: la asistencia prestada en la residencia ilegal.

En l’espèce, Monsieur V. était accusé d’aide à l’immigration illégale en bande organisée et dans un but lucratif via deux méthodes. Dans un premier cas, l’intéressé avait fait croire à l’ambassade de Hongrie au Viêt-Nam que des ressortissants de ce pays faisaient partie de groupes de voyages touristiques, alors que le but était de les installer durablement sur le territoire de l’Union. Selon une seconde méthode, il contribua à transporter vers l’Allemagne des ressortissants vietnamiens entrés dans l’Espace Schengen munis de visa de travail pour la Suède. Saisie sur question préjudicielle du Bundesgerichtshof, la Cour fédérale de justice allemande, la CJUE était appelée à se prononcer sur la compatibilité avec les règles communautaires relatives à la délivrance et à l’annulation d’un visa uniforme (articles 21 et 34 du Code des visas) de dispositions nationales rendant l’aide à l’immigration illégale passible de sanctions pénales, ceci dans des cas où les personnes en cause disposent formellement d’un visa mais obtenu frauduleusement.

Autrement dit, il s’agissait de déterminer si, lorsqu’une personne est poursuivie pour aide au séjour irrégulier du fait de son implication dans l’obtention frauduleuse de visas uniformes, l’annulation de ces derniers pour fraude constitue une étape préalable incontournable à l’engagement des poursuites pénales. Cette interrogation mettait la Cour aux prises avec une délicate problématique imbriquant le droit administratif et le droit pénal. Ainsi que le rappelle l’Avocat Général Sharpston dans ses conclusions, une telle articulation relève traditionnellement de la compétence du droit national « sauf si, et dans la mesure où, l’Union a exercé ses compétences dans un domaine précis » (§ 34) Or, l’Union est indéniablement intervenue en la matière puisque, d’une part, le Code communautaire des visas régit, notamment, la délivrance et l’annulation des visas uniformes et, d’autre part, la décision-cadre 2002/496 et la directive 2002/90 font obligation aux États membres de sanctionner l’aide à l’immigration illégale.

Par ailleurs, selon l’Avocat Général, « un élément constitutif [de l’infraction d’aide au séjour irrégulier] est donc l’irrégularité de l’entrée et du séjour » (Conclusions, §67). Aussi, dès lors que le constat préalable de cette irrégularité est un élément constitutif de l’infraction d’aide à l’entrée et au séjour irréguliers, la logique juridique commanderait que l’annulation du visa frauduleux soit indispensable à l’exercice des poursuites pénales.

Pourtant, de façon quelque peu surprenante, l’Avocat Général ne parvient pas à cette solution. Il s’en explique par le fait que « ni la directive 2002/90 ni la décision cadre 2002/496 ne cherchent à rapprocher le droit pénal des Etats membres en matière de preuve. En effet, l’objet de ladite législation se limite à définir l’infraction de l’aide au séjour, au transit et à l’entrée irrégulière, les exceptions à cette définition et les règlements fondamentales en matière de sanctions, de responsabilité et de compétence » (§ 70)

D’autre part, la Cour admet que « si l’annulation [du visa frauduleux] est, en principe obligatoire en ce qui concerne les autorités de l’Etat membre de délivrance, elle apparaît facultative pour les autorités d’un autre Etat membre, ainsi que l’indique l’utilisation du verbe « pouvoir » par le législateur de l’Union » (§ 40).

Faute d’être obligatoire en toute hypothèse, la Cour en conclut que l’annulation préalable du visa n’est pas une étape dirimante dans la mise en mouvement de l’action publique. Plus précisément, elle estime que « les articles 21 et 34 du règlement n°810/2009 doivent être interprétées en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que des dispositions nationales rendent l’aide à l’immigration illégale passible de sanctions pénales dans des cas où des personnes infiltrées, ressortissantes de pays, disposent d’un visa qu’elles ont obtenu frauduleusement, en trompant les autorités compétentes de l’État de délivrance sur le véritable but de leur voyage, sans que ce visa ait été préalablement annulé » (§ 48).

Cette position semble critiquable à trois égards.

La décision se heurte d’abord à la logique juridique élémentaire. Il n’est pas inutile de rappeler que l’annulation d’un visa constitue la décision par laquelle est officiellement exprimée la disparition de ce dernier de l’ordonnancement juridique. En outre, puisque l’annulation entraîne la disparition rétroactive de l’autorisation d’entrée et de séjourner au sein de l’Espace Schengen, les détenteurs de visas frauduleux annulés sont réputés n’avoir jamais pénétrés légalement sur le territoire européenCe n’est qu’à partir de cet instant que le délit d’aide à l’entrée et au séjour irréguliers peut être rationnellement envisagé. Se dispenser de cette annulation, c’est admettre que le simple constat du caractère frauduleux du visa, insuffisant pour rendre à lui seul illégaux l’entrée et le séjour de son détenteur, suffit à engager des poursuites pénales contre celui qui aura facilité son obtention.

La décision se heurte ensuite au principe d’interprétation stricte de la loi pénale, corollaire du principe de légalité. De fait, il paraît difficile de justifier l’exercice de poursuites pénales sur le fondement d’une infraction dont l’un des éléments constitutifs (l’irrégularité de l’entrée et du séjour) n’est pas caractérisé. A ce titre, il est regrettable que l’Avocat général et la CJUE aient omis de mentionner, dans l’énoncé des normes applicables, les dispositions de l’article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne relatives au principe de légalité et de proportionnalité des délits et des peines. La référence à ce texte s’avérait ici d’autant plus indispensable que la solution finalement retenue en malmène la portée.

La position adoptée par la Cour dérange, enfin, en ce qu’elle cautionne un contournement du principe du contradictoire. Les juges de la Cour de Luxembourg permettent en effet de poursuivre pénalement une personne pour aide à l’immigration illégale sur la base d’un visa dont on soupçonne le caractère frauduleux et ce, sans que le détenteur de ce visa n’ait pu user des voies de recours qui devraient être les siennes pour contester la décision d’annulation – et pour cause, il n’y en pas ! – conformément au 7° de l’article 34 du Code des visas.

En définitive, l’arrêt rendu par la CJUE prêt sérieusement le flanc à la critique, et ce d’autant plus que les torsions juridiques graves qu’il recèle ne sont dictées que par un souci d’efficacité de la répression de l’aide à l’immigration illégale. La Cour ne s’en cache d’ailleurs pas franchement puisqu’elle indique que « la procédure pénale, par sa nature même, pouvant comporter le secret de l’instruction et l’urgence des actes, ne saurait toujours se conformer à une exigence d’annulation préalable des visas par les autorités compétentes » (§ 47 – sur la validation par la Cour européenne des droits de l’homme du « délit d’aide au séjour irrégulier d’un étranger », dit « délit de solidarité », en l’absence d’enrichissement personnel notamment dans le contexte familial –, v. Cour EDH, 5e Sect. 10 novembre 2011, Mallah c. France, Req. n° 29681/08 – ADL du 12 novembre 2011).

Reste à savoir quelles conséquences aura cette décision au niveau national. Car, si la CJUE n’a pas manqué d’indiquer que le droit de l’Union impose l’exercice de poursuites pénales à l’encontre des passeurs (§ 41), il s’évince des articles L. 621-1 et L. 622-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que la répression de ceux qui auront « facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger sur le territoire d’un autre État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 » ne pourra intervenir qu’après « dénonciation officielle ou sur une attestation des autorités compétentes de l’Etat membre ou de l’État partie intéressé. »

Une nouvelle modification du CESEDA semble donc s’imposer dès lors qu’en l’état du droit français, il apparaît impossible de poursuivre les individus à l’image de Monsieur V. en l’absence de dénonciation officielle ou d’attestation en ce sens».