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Commentaire arrêt Joy Idemugia contre France Requête n° 4125/11

lunes, 16 de julio de 2012

Pour la seconde fois en quelques mois, la Cour européenne des droits de l’homme vient de rejeter un recours présenté par une prostituée nigériane contre la France pour violation de la Convention européenne des droits de l’homme et de sauvegarde des libertés fondamentales. La requérante se disait victime de faits de traite des êtres humains (Requête n° 4125/11 Joy IDEMUGIA contre la France – l’arrêt précédent avait été prononcé le 29/11/2011, Requête 7196/10 V.F. contre la France et 27/03/2012). La Cour rejette la requête au motif que la requérante n’aurait pas démontré le risque de mauvais traitement encouru en cas de retour dans son pays d’origine.

COMENTARIO SOBRE LA RESOLUCIÓN JOY IDEMUGIA CONTRA FRANCIA NÚMERO 4125/11. Por segunda vez en varios meses, el Tribunal Europeo de Derechos humanos ha rechazado un recurso presentado por una prostituta nigeriana contra Francia por la violación de la Convención Europea de Derechos del hombre y de salvaguardia de las libertades fundamentales. La recurrente afirmaba ser víctima de hechos constitutivos de trata de seres humanos (Demanda n ° 4125/11 tipos de Joy IDEMUGIA contra Francia – La decisión precedente fue pronunciada el 29/11/2011, Demanda 7196/10 V.F. contra Francia y 27/03/2012). La Corte rechaza la demanda porque la demandante no demostró el riesgo de maltrato en caso de vuelta en su país de origen.

ne sanction aurait pu être prononcé sur le fondement de l’article 3 si avait été démontré un «risque réel d’être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants» (En cas d’extradition, Soering contre Grande Bretagne, 7 juillet 1989, Requête n° 14038/88 ; en cas d’application du règlement Dublin dans le cadre d’une demande d’asile alors que le pays en charge du dossier n’est pas en mesure de l’examiner, M.S.S. contre Belgique et Grèce, 21/01/2011, Requête n° 30696/09 ; en cas d’expulsion d’un étranger atteint du SIDA vers son pays d’origine, D contre Royaume-Uni 2/05/1997, Requête n° 30240/96 ; en cas d’expulsion d’une ressortissante vers son pays d’origine alors qu’elle y risque la lapidation, Jabari contre Turquie, 11 juillet 2000, Requête n° 40035/98).

En l’espèce la Cour précise tout d’abord qu'»un risque de mauvais traitements doit être examiné à la lumière de la situation générale dans le pays de renvoi et des circonstances propos au cas de l’intéressé». Deux niveaux doivent donc être distingués : des considérations géo-politiques globales et d’autre part des éléments particuliers.

Mais c’est surtout la seconde partie de la motivation qui nous semble devoir être discutée. La Cour considère en effet que le fait que «la requérante n’ait pas interpellé les autorités sur le risque qu’elle encourrait en cas de retour dans son pays d’origine est de nature à entamer la crédibilité de son récit». L’argument invoqué nous semble très contestable. On sait aujourd’hui que les réseaux de traite mettent en place un certain nombre de procédés visant à créer une relation d’emprise entre les madams et les filles qui sont exploitées. Le recours au juju, mais également au chantage, aux violences physiques et psychologiques, l’isolement avec la famille ont précisément pour but d’empêcher la victime de parler et de dénoncer le contexte dans lequel elle est arrivée, les contraintes subies et l’existence d’une dette notamment. De ce fait, on pourrait presque, contrairement au raisonnement tenu par la Cour, tirer argument du silence de la requérante durant plusieurs années après son arrivée pour en déduire qu’elle a précisément bien été victime de faits de traite.

Par ailleurs, la requérante expose que sa mère a été soumise à des violences par les traffiquants en raison du non paiement de la dette. La Cour considère qu’ « aucune preuve de la nature et du contenu de ces menaces n’est rapportée ». Là encore cette motivation semble discutable tant il est difficile d’obtenir des preuves tangibles de ce type de faits, a fortiori lorsque la victime se trouve dans un pays de tradition orale, dans lequel les moyens modernes de communication ne sont peut être pas aussi facilement accessibles à tous que dans nos pays.

Mais c’est sans doute sur les faits que cette décision présente le plus grand intérêt. La requérante expose en effet avoir dû servir de « mule » et avaler de la cocaïne dans des petits sachets pour la transporter entre l’Espagne et Mulhouse. Cet élément de fait nous semble devoir retenir l’attention. On sait en effet que le Nigéria, a comme particularité d’être à la fois un pays d’origine des trafics d’êtres humains mais également d’être un gros pays de transit de la drogue. Il semble donc a priori peu étonnant que des passerelles existent entre ces différentes formes de commerces illicites. Pour savoir si réellement le récit de la requérante dans ce dossier est crédible, il semble donc essentiel de continuer à procéder à des investigations, à recueillir des témoignages et à procéder à des études dans le pays d’origine pour comprendre et suivre l’évolution de ces formes de trafics plutôt que de considérer que le long silence d’une victime présumée est un signe de sa non crédibilité.

Bénédicte Legendre